LES ŒUVRES
Paul Welsch débute le catalogue de ses huiles, qu'il a tenu jusqu'au début de l'année 1929, en 1915. Un beau portrait de sa mère réalisé en 1914, de facture classique, prouve qu'il en maîtrisait déjà bien la technique à cette époque-là.
Au cours de cette décennie des années 10, il façonne son style à l'écoute de la peinture de son temps : juxtaposition de traits horizontaux dans l'étude pour le Paysage au canal (1920) et, plus fréquemment, peinture assez épaisse rythmée par des coups de pinceau nerveux, comme dans le Paysage à Feldberg, Jeune fille lisant à terre ou Strasbourg, place Kléber pavoisée pour l'Armistice du MAMC de Strasbourg, tous les trois de 1918.
Les toiles sont chargées de détails, de couleurs vives, voire de rapports agressifs, que Welsch abandonnera assez vite (Portrait du docteur Stuttersheim [1917], Paysage à Feldberg [1918], voire le portrait de son père Jacques Welsch).
La peinture de Welsch se simplifie lors de son séjour en Tunisie en 1920. La palette de couleurs, plus limitée, valorise davantage la structure de la toile. Le visage de la Femme berbère (1920), très travaillé, est mis en valeur par l'encadrement stylisé du châle blanc et le fond très géométrique qui annonce la période suivante. Les huiles de Tunisie se caractérisent par une sobriété qui tourne le dos au clinquant de certaines peintures orientalistes ; elles se rapprochent des paysages d'Afrique du Nord de Marquet (par exemple, Citadelle à Tanger de 1913).
Du début des années 20 jusqu'à approximativement 1924, Welsch s'essaie au cubisme qui reste, malgré tout, dans le sillage du Cézanne de L'Estaque aux toits rouges (1885) ou de La Carrière de Bibémus (1895) comme on peut le voir clairement sur ce Paysage aux bords du Loup de 1922. Des études appliqueront cette technique géométrique au nu. Les paysages sont formés de larges taches colorées qui, cependant, ne s'écartent pas de la réalité, à la manière de Derain.
Jusqu'à la seconde guerre mondiale, Paul Welsch assouplit sa peinture : les nus se font plus ronds alors que ceux du début des années 20 restent très anguleux. Il ose aussi la dépouiller à l'extrême : les tableaux se vident, trouvant leur force dans la solidité de la construction et de la science des couleurs limitées souvent à une gamme de bleus et de bruns. Le Pont d'Austerlitz de 1930 en est un exemple frappant. Ce dénuement se retrouve dans maints paysages parisiens (Rue Corvisart [1927], Poterne des Peupliers [1928]) et du Quercy, notamment cette Route à Puylaroque [1927] d'un vide sidéral.
"Les peintures de Paul Welsch font songer aux temples protestants dont la beauté dédaigne toutes fioritures inutiles et réside dans la seule noblesse de leurs lignes architecturales. Il y a dans l'art de Paul Welsch une austérité, instinctive d'abord, puis méthodiquement raisonnée." (Marc Lenossos, Les Dernières Nouvelles d'Alsace, mars 1948)
L'oeuvre de Welsch de cette époque-là n'est d'une austérité que très apparente : la palette limitée de nombre de tableaux est dynamisée par une touche de couleur vive placée à un endroit précis. Ainsi, le jaune des citrons, renforcé par le blanc de la coupe, donne toute sa force à la nature morte Citrons et aubergines (vers 1933).
Toutes les toiles de l'entre-deux guerres ne se cantonnent cependant pas à ce dépouillement, même si une des caractéristiques principales de la peinture de Welsch reste la sobriété. Les ocres se mêlent aux bleus, aux roses, aux verts (une des couleurs de prédilection de l'artiste), et la technique du glacis, qui superpose de nombreuses nuances principalement dans les premiers plans ou dans les ciels, confèrent une grande subtilité à cette peinture, par exemple dans le Paysage à Jaumard (vers 1930).
Les années de guerre, amputées, pour l'oeuvre peint, des mois passés au front ou dans les Oflags, se résument principalement à la Dordogne où se retirent les Welsch. Cette période se caractérise par les verts assez crus qui sont omniprésents. Un des exemples les plus réussis est celui de Moulin en Dordogne (Guimalet) de 1944. Par ailleurs, on trouve une série de portraits de femmes tristes, écho de cette période tourmentée (Jeune femme en noir [1943], Femme au miroir [1943]).
Les œuvres de l'après-guerre ne se différencient pas radicalement de ce qui avait été peint précédemment. On y trouve toutefois une plus grande sérénité, une gamme de couleurs plus chaudes. Les paysages du Midi (Saint-Tropez, Malaucène) reflètent bien cette calme plénitude. Bersier note dans son article paru dans la Revue Méditerranéenne de mai-juin 1957 : "[Les paysages] sont doués d'espace et cela n'est pas peu dire. Le ton ne s'affaiblit pas du premier plan au dernier et pourtant l'air, la lumière y circulent et semblent peindre la toile, nous entraînant dans un monde pacifié aux lignes harmonieuses et pures, un monde de grandeur intime, où tout est infiniment simple et fidèle." Ce Panier de fruits, Saint-Tropez (vers 1949) le montre pleinement.
Les toiles de Paris sont plus animées et plus riantes que celles de la fin des années 20 et du début des années 30. Elles présentent des scènes heureuses de la vie quotidienne : Jardin des Plantes, Entrée du Luxembourg, Promeneurs sur les quais de la Seine [vers 1952], Embarcadère aux bateaux mouche [1952] où flotte une joyeuse farandole de drapeaux.
La réalisation d'une grande peinture murale pour la salle de restaurant du collège technique hôtelier de Strasbourg (aujourd'hui collège Fustel de Coulanges) occupe une partie de l'année 1953. Elle est une sorte de synthèse de l'oeuvre de Welsch célébrant l'homme associé à la nature. On y retrouve le cabanon des Vendanges à Puylaroque (1929), la table verte de Nature morte dans la verdure (vers 1953) du Musée National d'Art Moderne du Centre Pompidou, les Chasseurs en Dordogne (1944), la cueillette des pommes et les vignobles à Obernai d'avant-guerre.
La carrière picturale de Paul Welsch se termine sur une nature morte inachevée de décembre 1953 :
Flacon et fruits.
GRAVURES
L'oeuvre gravé de Paul Welsch a laissé des traces plus anciennes que les huiles : Londres, d'une facture un peu molle, remonte à 1908. Mais l'artiste est véritablement remarqué avec Le Chantier, une eau-forte de 1912 acquise en 1914 par la Société des Graveurs de Chicago. Les gravures de cette époque sont très détaillées ; la technique est maîtrisée mais peu personnelle.
Welsch change radicalement de style en se tournant vers la gravure sur bois au début des années 20 : dessin stylisé, surfaces fermées par des traits épais, facture plus audacieuse. Oasis à Gafsa (1920) ou Paysage à Tunis du Musée National des Beaux-Arts du Québec sont typiques de cette période.
Après 1922, Welsch réserve à la gravure l'illustration de livres. Il se met à la lithographie en 1925 (Maternité) mais surtout en 1929 avec deux œuvres : Vendanges à Puylaroque et L'Anglaise. Le MAMC de Strasbourg possède les deux huiles correspondantes, la seconde s'intitulant Femme au gilet rouge.
Welsch accentue sa production à partir de 1942 : 3 lithos en 1942, 2 en 1943, 5 en 1944, 3 en 1946, 6 en 1947 (dont Le Bain), 9 en 1948 (dont Le Port de Saint-Tropez ), 5 en 1951, 6 en 1952. On notera qu'à chaque lithographie correspondent l'aquarelle et l'huile sur le même sujet.
En 1949, l'artiste compose sa première lithographie en couleurs : La Terrasse. Suivront Le Rendez-vous des chasseurs (1949), Barques à Saint-Tropez (1950) et L'Après-midi au jardin (1952).